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- Coronavirus et pandémie de Covid-19
Plus contagieuse et désormais présente dans plus de 85pays, cette mutation du SARS-CoV-2 pourrait mettre à rude épreuve les stratégies vaccinales contre le Covid-19.
ParJulien Lemaignen (avec AFP et Reuters)
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Sera-t-il un empêcheur de déconfiner en rond? Le variant Delta du nouveau coronavirus sévit dans les Landes, au point que le premier ministre, Jean Castex, en déplacement jeudi 24juin dans le département, a prévenu que la levée des restrictions prévues en France au 1erjuillet pourrait y être différée si la tendance épidémiologique ne changeait pas. Delta ne frappe pas que dans le département du Sud-Ouest, loin de là. Au Royaume-Uni, il a déjà conduit le premier ministre, Boris Johnson, à repousser d’un mois le «jour de la libération» – à savoir la fin des restrictions sanitaires–, prévu pour le 21juin. Qui est Delta, et faut-il s’en inquiéter?
Indien ou Delta, quelle différence?
Delta n’est pas exactement le nouveau nom du variant qu’on a d’abord appelé «indien» car il avait été détecté pour la première fois en Inde en octobre2020. En fait, les variants «indiens» connus sont au nombre de trois, issus de la même lignée B.1.617, et Delta est le nom que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a donné à B.1.617.2. L’institution avait décidé, au début de juin, de renommer certains des variants les plus courants:
– Alpha est le variant dit «britannique», ou B.1.1.7;
– Beta est le variant dit «sud-africain», ou B.1.351;
– Gamma est le variant dit «brésilien», ou P.1;
– Delta est l’un des variants dits «indiens», ou B.1.617.2;
– Kappa est son proche cousin, lui aussi dit «indien», ou B.1.617.1.
Où sévit Delta?
Le variant est désormais présent dans au moins 85pays, selon l’OMS, à des proportions variables. En Inde, il l’a vite emporté sur ses deux cousins, tandis qu’au Royaume-Uni, il lui a suffi de quelques semaines pour prendre le pas sur le variant local. Aux Etats-Unis, il est passé d’environ 10% des prélèvements positifs séquencés le 5juin, à 35% la semaine dernière. Une proportion comparable est observée en Israël. En République démocratique du Congo et en Ouganda, il est respectivement responsable d’environ 77% et 97% des cas diagnostiqués.
En France, il représente plus de 74% des tests positifs réalisés du 14 au 20juin dans les Landes, selon l’Agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine, contre 12,1% dans les Pyrénées-Orientales et en Gironde, et 9,5% à l’échelle nationale. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a déclaré mercredi qu’il était aussi responsable de plusieurs foyers épidémiques dans le Bas-Rhin.
Doit-on s’inquiéter?
Delta est un variant classé «préoccupant» par l’OMS (alors que Kappa, son proche cousin, est seulement qualifié d’«intérêt»). Entrent dans cette catégorie les variants susceptibles de dégrader la situation épidémiologique, qui se révèlent plus virulents, ou qui modifient le tableau clinique de l’infection par le nouveau coronavirus, ou encore qui amoindrissent l’effet des mesures de santé publique, dont la vaccination.
Dans une note communiquée le 23juin, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) écrit que Delta pourrait être associé à un plus grand risque d’hospitalisation, c’est-à-dire de forme grave de Covid-19. Selon l’ECDC, il est aussi établi que la première dose de vaccin, quel que soit le produit considéré, offre une moindre protection contre Delta que contre les autres variants. En revanche, une fois les deux doses administrées, la protection est quasi équivalente.
Dans une étude détaillée «preprint» (c’est-à-dire non encore validée par des pairs) communiquée le 14juin, Public Health England, l’agence de santé publique britannique, avance des résultats convergents. D’après elle, deux doses de vaccin Pfizer-BioNTech assurent 88% de protection contre les «formes symptomatiques» de Covid-19 dues au variant Delta, et 67% pour le vaccin AstraZeneca. Contre les hospitalisations causées par Delta, le vaccin de Pfizer est efficace à 96% après deux doses, et celui d’AstraZeneca à 92%.
Moins encourageante, une étude publiée par la revue Cell le 16juin avance que Delta est plus fort que certains anticorps : avoir déjà contracté le Covid-19 ne constituerait pas une garantie contre une réinfection par ce variant. Ainsi, les anticorps produits à l’occasion d’une première infection par le variant Alpha conféreraient une bonne protection contre tous les variants, mais ceux développés à la suite d’une infection par les variants Beta ou Gamma sembleraient moins efficaces en cas d’exposition à Delta.
Lire la synthèse : Nouvelles données sur le variant Delta, en progression dans de nombreux pays
Peut-il causer une nouvelle vague épidémique?
Les préoccupations se concentrent surtout sur la contagiosité de Delta. Dans sa note du 23juin, l’ECDC précise que, à ce stade des connaissances, il s’avère de 40% à 60% plus contagieux que le variant dit «britannique», qui a joué un rôle majeur dans la troisième vague épidémique en France. Delta devrait ainsi représenter 90% des nouveaux cas de Covid-19 dans l’Union européenne d’ici à la fin d’août. «Il est très probable que le variant Delta circule largement pendant l’été, en particulier chez les jeunes qui ne sont pas ciblés par la vaccination», a averti Andrea Ammon, la directrice de l’agence européenne des maladies.
Lire aussi Covid-19: faut-il ou non vacciner les adolescents? Une conversation SMS pour tout comprendre
Une étude «preprint» diffusée sur le site medRxiv le 20juin, se fondant sur l’analyse de plus de 5000tests PCR, suggère que Delta augmente rapidement en Ile-de-France et peut-être dans d’autres régions de France. Selon le chercheur Samuel Alizon et ses collègues du CNRS de l’université de Montpellier, il pourrait ainsi «causer une nouvelle vague épidémique à compter du mois d’août».
Faut-il vacciner, toujours vacciner?
Si augmenter la couverture vaccinale paraît donc nécessaire pour lutter contre le variant Delta, cela ne sera sans doute pas suffisant. En effet, plus un virus est contagieux, plus le niveau de vaccination nécessaire pour atteindre l’immunité de groupe (le seuil au-delà duquel il ne parvient plus à circuler) est haut, a expliqué Samuel Alizon à l’Agence France-Presse.
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« Chaleur humaine » Comment faire face au défi climatique ? Chaque semaine, nos meilleurs articles sur le sujet S’inscrireOr, au regard du variant Delta, les scientifiques s’accordent à dire qu’il faudrait plus de 80% de la population vaccinée, d’autant qu’il échappe en partie à l’immunité développée par les personnes qui ont déjà contracté le Covid-19. Dans ces conditions, «jusqu’à ce que la plupart des personnes vulnérables soient protégées, nous devons maintenir la circulation du virus Delta à un niveau bas en adhérant strictement aux mesures de santé publique qui ont fonctionné pour contrôler l’impact des autres variants», a préconisé mercredi Andrea Ammon.
Après Delta, Delta +?
Les autorités de santé indiennes ont annoncé, mercredi 23juin, avoir enregistré quarante cas infectés par un variant Delta un peu particulier: celui-ci présente la mutation K417N, dont des scientifiques indiens, cités par l’agence Reuters, estiment qu’elle pourrait être synonyme d’une contagiosité encore accrue. Selon Reuters, le ministre de la santé indien a prévenu que les régions où le variant surnommé «Delta +» a été détecté (le Maharashtra, le Kerala et le Madhya Pradesh) «pourraient devoir renforcer leur réponse de santé publique en insistant sur la surveillance, le développement des dépistages, le traçage rapide des contacts». Sans oublier, bien sûr, la «vaccination prioritaire».
Julien Lemaignen (avec AFP et Reuters)
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